La Nouvelle-Calédonie approuve un moratoire de 50 ans sur l’exploitation minière des fonds marins

Cette mesure permettra de protéger sa vie marine extraordinaire et laissera aux scientifiques le temps de mieux évaluer les menaces auxquelles elle est exposée.

La Nouvelle-Calédonie approuve un moratoire de 50 ans sur l’exploitation minière des fonds marins
Les oursins d’eau profonde sont l’une des nombreuses espèces qui bénéficieront d’un nouveau moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins au large de la Nouvelle-Calédonie.
Simon Coppard

Dans les profondeurs marines du Pacifique Sud, qui baigne l’archipel de Nouvelle-Calédonie, une multitude d’espèces marines prospèrent dans des écosystèmes que l’on ne trouve nulle part ailleurs.

Les zones profondes, situées à plus de 200 mètres sous la surface de l’océan, abritent une biodiversité abondante comprenant, selon les scientifiques, de nombreuses espèces marines qui n’ont pas encore été découvertes, sans parler de leurs caractéristiques géologiques remarquables. Outre le fait de constituer un habitat vital pour des espèces allant des coraux d’eau froide aux crustacés d’eau profonde, ces fonds marins contiennent également des gisements de minéraux que certains gouvernements et entreprises privées souhaiteraient extraire à des fins commerciales, notamment pour produire des composants de batteries destinés aux voitures électriques.

Cependant, l’exploitation des fonds marins constituerait une menace pour la biodiversité marine. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a donc adopté un moratoire de 50 ans sur l’exploitation des fonds marins dans ses eaux territoriales, afin de protéger ces ressources naturelles ainsi que l’environnement marin, le 29 avril. Cette mesure empêchera toute exploration et extraction des ressources des profondeurs marines dans le parc naturel de la mer de Corail, qui couvre, avec sa superficie de 1,3 million de km², la totalité de la zone économique exclusive de la Nouvelle-Calédonie. La nouvelle loi prévoit également des sanctions en cas de violation du moratoire, y compris des amendes destinées à dissuader les activités illégales.

La communauté scientifique reste prudente à l’égard de l’exploitation minière des fonds marins, des centaines de scientifiques ayant appelé à suspendre ce type d’activité au niveau mondial, à titre de précaution. Des recherches récentes ont fait état d’une série de menaces que fait peser l’exploitation minière des fonds marins sur la vie marine, notamment les niveaux de bruit élevés, les panaches de sédiments, la destruction potentielle des monts sous-marins et des cheminées hydrothermales, ainsi que la pollution lumineuse. Individuellement, chacune de ces menaces revêt déjà une importance considérable, avec des effets potentiellement dévastateurs sur les écosystèmes d’eaux profondes.

L’engagement de la Nouvelle-Calédonie en faveur d’un moratoire de 50 ans sur l’exploitation minière des fonds marins montre que le gouvernement prend des précautions pour protéger son écosystème marin unique, tandis que les scientifiques s’efforcent de mieux comprendre les valeurs écologiques des grands fonds marins ainsi que les impacts à long terme de l’exploitation minière et de l’extraction.

La Nouvelle-Calédonie rejoint Guam, Palau et les Samoa américaines, qui ont également annoncé des moratoires dans leurs eaux territoriales du Pacifique.

Par ailleurs, la décision de la Nouvelle-Calédonie vient conforter les efforts actuellement déployés pour étendre les protections dans le parc naturel de la mer de Corail, notamment en intégrant la vision des communautés kanakes locales en matière de préservation de l’océan et en renforçant les mesures de protection des monts sous-marins et d’autres zones d’importance culturelle.

Depuis la création du parc naturel de la Mer de Corail en 2014, le projet Héritage des océans de Pew et Bertarelli a collaboré avec le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, le secteur privé, les organisations locales et les communautés kanakes pour renforcer les protections à l’intérieur des limites du parc et pour mettre en place une gestion efficace. Après avoir protégé 10 % du parc contre la pêche et d’autres activités d’extraction, telles que l’exploitation minière et les forages, le gouvernement a l’ambition de porter à 30 % la proportion des eaux hautement protégées au sein du parc.

L’adoption de ce moratoire sur l’exploitation minière montre que la Nouvelle-Calédonie prend très au sérieux la conservation du milieu marin. En renforçant la protection de ces eaux grâce à des approches fondées sur la science et soutenues par les communautés, le gouvernement pourrait s’imposer comme un leader mondial en matière de conservation du patrimoine naturel et culturel.

Christophe Chevillon dirige les travaux du projet Héritage des océans de Pew et Bertarelli en Nouvelle-Calédonie.