Les peuples des îles du Pacifique lancent un appel urgent en faveur de la protection des océans
Le rassemblement Te Reo O Te Moana inspire à une action mondiale et collective pour la conservation et l’intégration du savoir autochtone avant la Conférence des Nations Unies sur les océans
Dans une démonstration d’unité et d’engagement à l’échelle régionale, des représentants du Pacifique et du Triangle polynésien se sont réunis le 28 mars à Papeete, en Polynésie française, pour appeler à une action mondiale pour préserver la bonne santé de l’océan Pacifique.
Cet événement a été reconnu comme événement officiel organisé en marge de la troisième conférence des Nations unies sur les océans (UNOC3), qui débutera le 9 juin à Nice (France). Il a rassemblé environ 250 personnes, dont des participants des îles Cook, Fidji, Polynésie française, Guam, Hawaï, Nouvelle-Calédonie, Nouvelle-Zélande, Niue, Palau, Rapa Nui, Saipan, Samoa, Tonga et Wallis-et-Futuna.
Les représentants ont profité de cet événement, intitulé Te Reo O Te Moana (« La voix de l’océan »), pour partager des exemples de réussite en matière de conservation marine. Mais le point culminant du rassemblement a été une puissante déclaration d’unité, initiée par des représentants de groupes et de communautés autochtones du Pacifique, exhortant les nations du monde entier à assurer une protection complète de Te Moana nui a Hiva (« le grand océan bleu »). Le président de la Polynésie française, Moetai Brotherson, a signé l’appel à l’action, faisant de son pays le premier à endosser la déclaration.
« Sauver nos océans n’est pas l’affaire d’une seule nation, c’est notre responsabilité collective », a déclaré JinNam Hopotoa, de Niue Ocean Wide, un organisme public-privé à but non lucratif. « Comme l’océan qui nous relie, nous devons nous rassembler pour agir ensemble. »
Les participants ont également déclaré que la protection de l’océan est un devoir sacré envers les ancêtres, les communautés actuelles et les générations futures, ajoutant que le processus de guérison de l’océan devrait commencer au niveau local et être guidé par les valeurs indigènes de réciprocité, d’humilité et d’intégrité écologique.
« Ce que je retiens de toute la conférence, ce sont les liens entre nous », a confié J. Hauʻoli Lorenzo-Elarco, membre du groupe de travail sur la culture hawaïenne autochtone Papahānaumokuākea. « Nous sommes beaucoup plus proches que nous ne le pensons, que ce soit par nos histoires, notre langue ou ce que nous essayons de protéger. Te Reo O Te Moana, la voix de l’océan, n’est pas une voix unique mais c’est la voix de tous les habitants du Pacifique. »
Plus précisément, l’appel à l’action pousse les pays à créer des aires marines protégées (AMP) afin de contribuer à l’objectif mondial de protection d’au moins 30 % des océans d’ici à 2030. La déclaration appelle également les gouvernements à intégrer les savoirs autochtones dans les cadres nationaux et régionaux de gestion des océans, à promouvoir la pêche artisanale, à soutenir l’accord des Nations unies sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine dans les zones situées au-delà des juridictions nationales (accord également connu sous le nom de traité BBNJ ou traité sur la haute mer) et à mettre immédiatement un terme aux pratiques destructrices, telles que l’exploitation minière des fonds marins.
« Par une déclaration commune des peuples de l’océan, répondez à l’appel de Te Reo O Te Moana et levez-vous pour que vive l’océan », a déclaré Hinano Murphy, membre de la Tetiaroa Society, une association qui œuvre à la préservation de l’écosystème des atolls de Polynésie française, et de Te Pu Atiti’a, une association culturelle basée à Moorea dont l’objectif est d’associer les savoirs ancestraux à la science moderne pour parvenir à un développement durable.
L’événement était organisé par Pew Bertarelli Ocean Legacy et FAPE Te Ora Naho, une fédération d’environ 60 associations de protection de l’environnement en Polynésie française, en partenariat avec le ministère de l’agriculture, des ressources marines et de l’environnement de Polynésie française, l’Assemblée de la Polynésie française, The Pew Charitable Trusts et la Blue Cradle Foundation.
Le rassemblement a également servi de plateforme essentielle pour le partage des connaissances, aidant les participants à mettre en avant les bénéfices des AMP à grande échelle établies dans la région. Cette initiative a permis également de soutenir les efforts continus des communautés de Polynésie française qui œuvrent à la création de leurs propres grandes AMP, notamment le projet Rāhui Nui nō Tuha’a Pae dans les îles Australes et Te Tai Nui a Hau dans les îles Marquises.
« Nous avons appris de nos cousins du Pacifique, qui sont très avancés grâce aux grandes AMP qu’ils ont réussi à créer dans leur pays », a expliqué Tihoti Tanepau, président de l’association Rāhui Nui nō Tuha’a Pae implantée en Polynésie française. « Dans les îles Australes, nous travaillons depuis plus de 10 ans avec nos maires et notre population sur notre demande de création de la grande AMP des îles Australes, à savoir le RāhuiNui nō Tuha’a Pae. Nous espérons être entendus, et nous souhaitons que cette AMP soit enfin mise en place prochainement. »
Le 31 mars, l’appel à l’action Te Reo O Te Moana a été présenté à Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur de France pour les pôles et les océans, lors d’un sommet pré-UNOC3 à la Tour Eiffel par trois leaders polynésiens de la conservation (Nainoa Thompson, Lehua Kamalu et Matahi Tutavae). Les représentants du rassemblement partageront la déclaration avec les dirigeants mondiaux lors de l’événement UNOC3 qui se tiendra le 8 juin, Journée mondiale des océans.
Donatien Tanret dirige le travail de Pew Bertarelli Ocean Legacy en Polynésie française.